Humoresques

Dessinateurs de presse pendant la guerre de 1914-18

Dessinateur de presse pendant la grande guerre : observateur critique, journaliste engagé ou bourreur de crânes ?
Journée d’études, Salon du dessin de presse et d’humour
le vendredi 4 octobre 2013 à Saint-Just-le-Martel, France (87)

Programme :

9H30, présentation par Guillaume Doizy
9H45-12H30 : Dessinateur en guerre : combattant, justicier et… « bourreur de crâne » ?
- Ariane de Ranitz (spécialiste hollandaise) : Louis Raemaekers : quand un dessinateur de presse influence la conduite de la guerre
- Cécile Coutin (conservatrice BNF) : Forain, dessinateur de presse (1914-1918)
- Laurent Bihl (docteur en histoire) : Adolphe Willette : L’extase du massacre. Engagement, activités et frustrations entre 1914 et 1918
- Josep Pinyol Vidal (professeur à l’Ecole centrale de Nantes, membre de l’EIRIS) : La satire catalane de Apa et Picarol pendant la Grande Guerre : Un regard engagé dans une Espagne neutre

14H30-17H : En marge de la « culture de guerre »

- Françoise Bouron (rédactrice en chef adjointe de la revue Guerres mondiales et conflits contemporains) : Les dessinateurs face à la censure pendant la 1ère Guerre mondiale
- Guillaume Doizy (auteur d'ouvrages sur la caricature) : Steinlen et la « culture de guerre »
- Michel Dixmier (collectionneur ; auteur d’ouvrages sur la caricature) : Lucien Laforge, un dessinateur en révolte contre la guerre

Résumé
Le déclenchement de la guerre en août 1914 bouleverse profondément la vie sociale des nations belligérantes. La presse, média par excellence de la Belle Epoque, s’en trouve affectée. De nombreux journaux suspendent momentanément ou parfois de manière définitive leur publication. D’autres, en revanche, se créent. Néanmoins, de manière générale, les journaux satiriques sont désorganisés par les effets du conflit. Mais plus que les répercussions matérielles induites par la guerre (manque cruel de papier, de main d’œuvre, etc..), c’est le statut même du dessin de presse qui est en jeu : peut-on ainsi continuer de sourire et de rire quand le bruit des bottes annonce un flot de sang, quand la « défense de la patrie » exige les plus grands sacrifices ?

Argumentaire

Le déclenchement de la guerre en août 1914 bouleverse profondément la vie sociale des nations belligérantes. La presse, média par excellence de la Belle Epoque, s’en trouve affectée. De nombreux journaux suspendent momentanément ou parfois de manière définitive leur publication. D’autres, en revanche, se créent. Néanmoins, de manière générale, les journaux satiriques sont désorganisés par les effets du conflit. Mais plus que les répercussions matérielles induites par la guerre (manque cruel de papier, de main d’œuvre, etc..), c’est le statut même du dessin de presse qui est en jeu : peut-on ainsi continuer de sourire et de rire quand le bruit des bottes annonce un flot de sang, quand la « défense de la patrie » exige les plus grands sacrifices ?

Pendant quatre années, et après quelques hésitations dues à la désorganisation générale, le dessin de presse et la caricature font l’objet d’une attention particulière dans toute la société. Le dessinateur hérite même semble-t-il d’un rôle nouveau à l’heure où grondent les canons. A l’arrière dans la presse quotidienne ou hebdomadaire, au front dans les journaux de tranchées ou dans des caricatures brandies au visage de l’ennemi, le dessin satirique accompagne le conflit chez tous les belligérants (France, Allemagne, Grande-Bretagne…). Par le biais de la carte postale ou de l’affiche, lors d’expositions ou dans des monographies illustrées, le dessin satirique inonde le quotidien, tandis que le dessinateur, souvent comparé à un soldat s’introduit dans le nouvel imaginaire guerrier. On l’invite ainsi à illustrer les affiches appelant à répondre au lancement des emprunts, indispensables aux besoins financiers des nations en guerre. Nombre de dessinateurs s’engagent dans le service du Camouflage. Dans la presse, le caricaturiste double la guerre réelle (dont les images sont censurées) tournée contre l’adversaire, d’une guerre iconographique polémique et en apparence libre (mais en fait contrôlée par la censure), dont le discours s’adresse principalement aux civils. Le Matin du 21 mai 1915 commente ainsi le Salon des humoristes qui présente un bon millier d’œuvres satiriques sur la guerre : « c'est une des vengeances infaillibles de la France, qu'elle tue par le ridicule mieux que par le fer ». Les dessinateurs plus efficaces que les canons ? En temps de guerre totale, l’image est séduisante, mais bien sûr fausse et préfabriquée.

Doit-on alors, à l’invitation de John Grand-Carteret, considérer le dessinateur de presse comme un « journaliste du crayon» ou un « journaliste-dessinateur», ou plutôt, selon Clément-Janin en 1919, comme un « actualiste » qui use « de toutes les armes : l’ironie, l’invective, le sarcasme et de la plus terrible de toutes : la vérité» ?

Quel rapport de proximité ou de distance le dessinateur de presse entretient-il avec la réalité et sa médiatisation filtrée par la censure et les journalistes, idéalisée par le patriotisme, déformée par la rumeur ? Doit-on encore considérer le dessinateur comme un observateur, un journaliste engagé dans la défense de sa patrie ou enfin comme un « bourreur de crâne » plus ou moins conscient de son action de propagande ? En quoi l’expérience des combats ou au contraire la position de dessinateur éloigné du théâtre du conflit influent-elles sur sa vision de la guerre ? Quelles justifications utilise-t-il pour légitimer ses dessins et quel regard la société porte-elle sur lui ?

En France, entre les Abel Faivre, Willette, Poulbot, Forain ou Iribe (et tant d’autres) qui ont décidé de promouvoir le patriotisme guerrier (et dont on retrouve la signature au bas des affiches officielles) et les Gassier ou Laforge qui, au contraire, refusent l’Union sacrée, une multitude d’attitudes (comme celle du renoncement au dessin) ont émergé et permettent, dans ces circonstances exceptionnelles, d’envisager chez les dessinateurs de presse des conflits moraux, mais également des formes de militarisation du métier. On perçoit également une instrumentalisation de la figure du dessinateur, avec notamment en France Hansi et Zislin tous deux originaires de l’Alsace « perdue » en 1870, fêtés pour leur opposition frontale à l’Allemagne. Instrumentalisation également chez l’ensemble des alliés du dessinateur néerlandais Raemaekers, qui suscite un engouement considérable, donnant naissance à l’image du dessinateur « neutre », sans frontière, héros fêté au-delà des continents, présenté aux Etats-Unis comme « le plus grand dessinateur au monde ». De toute évidence sur l’ensemble de l’Europe en guerre, le conflit a accentué l’aura du caricaturiste, sinon modifié sa place dans la société. Une place néanmoins contestée par certains artistes eux-mêmes qui ne se retrouvent pas dans cette « Union sacrée », mais également par les soldats ou quelques journalistes qui dénoncent assez rapidement ces formes de « bourrage de crâne ».

Notre volonté lors de cette journée d’études et d’échanges est d’essayer de mesurer le poids de la déclaration de guerre, des quatre années de conflit, puis de la fin des hostilités, sur la profession, sur le travail quotidien du dessinateur, sur sa manière d’appréhender l’actualité et de concevoir son rôle au sein de la nation en guerre. Les contributeurs devront axer leurs communications soit sur l’étude d’un dessinateur ou sur la comparaison de plusieurs dessinateurs, soit sur un ensemble d’artistes satiriques regroupés autour d’une publication, voire encore sur des écrits d’époque au travers lesquels s’appréhende la construction de la figure du caricaturiste en guerre. Comment les uns et les autres se sont-ils adaptés ou opposés à la censure et à la propagande des Etats en guerre, ou encore quelle fut leur place dans les imaginaires sociaux de l’époque ? Enfin, quelles critiques éventuelles ont-ils eu à subir.

Comité scientifique
Philippe de Carbonnières, Assistant de Conservation, Musée Carnavalet (Paris)
Cécile Coutin, conservateur en chef département des Arts du Spectacle, Bibliothèque nationale de France
Guillaume Doizy, écrivain
Pascal Dupuy, maître de conférences en Histoire moderne, Université de Rouen
Jean-Claude Gardes, Professeur des Universités en Etudes germaniques, Université de Bretagne Occidentale
Jean-Claude Vimont, maitre de conférences en Histoire contemporaine, Université de Rouen

Catégories
Histoire (Catégorie principale)
Esprit et Langage > Représentations > Études visuelles
Esprit et Langage > Représentations
Sociétés > Histoire > Histoire sociale
Sociétés > Études du politique > Guerres, conflits, violence

Lieux :Saint-Just-le-Martel, France (87)

Mots-clés:caricature, première guerre mondiale, dessinateur de presse, caricaturiste, bourrage de crâne, propagande

Contacts:
Pascal Dupuy
courriel : pascaldupuy [at] hotmail [dot] com
Guillaume Doizy
courriel : guillaume [dot] doizy [at] orange [dot] fr

Source de l'information: Guillaume Doizycourriel : guillaume [dot] doizy [at] orange [dot] fr

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