Humoresques

Roland Topor - Génie connu et méconnu

mages/Topor_ En_soi-mme 1.jpgRoland Topor, 
génie connu et méconnu

Galerie Anne Barrault
18 octobre -30 novembre 2014.

Galerie Anne Barrault, 51 rue des Archives - 75003 Paris - France - tél. 33 (0)9 51 70 02 43 - www.galerieannebarrault.com

 

« Topor est peut-être le plus grand esprit graphique du XXe siècle. »
Seymour Chwast, co-fondateur du Push Pin Studio.

Une exposition d’oeuvres de Roland Topor (avec un clin d’oeil au dessinateur Gébé) 

L’exposition proposée par Alexandre Devaux à la Galerie Anne Barrault présente un ensemble
d’oeuvres de Roland Topor réalisées à différentes périodes et avec plusieurs techniques. Dessins à
la plume au crayon, linographies, lithographies, dessins peints au spray ou au pinceau,
photographies détournées dites « photomorphoses » offriront aux visiteurs la possibilité
d’appréhender la diversité du génie graphique et polytechnique de cet artiste qui fut une avantgarde
à lui tout-seul.
Roland Topor est né en 1938 et mort en 1997 à Paris, dans le Xème arrondissement. Son oeuvre
est foisonnante et protéiforme. Dessinateur, écrivain, artiste aux talents multiples, il a été publié
dans la presse en France et à l’étranger : Bizarre, Hara-Kiri, Elle, Le New York Times, Le Canard
enchaîné, Libération, Le Monde, le Frankfurter Allgemeine Zeitung, et d’autres. Il a fait des livres, il a
illustré les oeuvres de plus de cent écrivains parmi lesquels Boris Vian, Marcel Aymé, Félix
Fénéon, Tolstoï, Georges Sand, Pierre Benoît… Il a réalisé les décors et costumes de plusieurs
pièces de théâtre et opéras pour Ligeti, Penderecki, Savary et d’autres. Il a écrit des scénarios de
films, des pièces de théâtre, des chansons, des contes, des romans, des nouvelles. Il a été acteur
dans les films de William Klein, de Raoul Ruiz, de Volker Schlöndorff. Il a conçu plusieurs films
d’animation dont La Planète Sauvage. Il a participé à de nombreuses créations radiophoniques et
télévisuelles, il est notamment l’auteur de l’émission pour enfants Téléchat et co-auteur des
émissions Merci Bernard et Palace. Créateur du mouvement Panique avec Fernando Arrabal,
Jacques Sternberg et Alejandro Jodorowsky, Topor a été lié à plusieurs mouvements et
« familles » d’artistes, dont Cobra, l’International Situationniste et Fluxus. Ses dessins et peintures
ont été exposés à de nombreuses reprises et sont rentrés dans plusieurs collections privées et
institutionnelles parmi lesquelles : Le Centre Pompidou, Les musées de Strasbourg, le Stedelijk
Museum, le musée des Beaux-Arts de Varsovie, le Stadtmuseum de Münich et d’autres en Italie,
Suisse, Belgique, Suède, Etats-Unis…
Roland Topor a commencé à exister comme dessinateur dans la presse, une façon pour lui de se
« frotter à la vie » en prenant ses distances avec l’artiste maudit qu’il aurait pu devenir s’il était
resté le peintre que tout le monde voulait être. C’est avec le dessin surtout, et avec l’écriture, que
Topor a su construire le vocabulaire de ses pensées. Topor était un penseur, mais un penseur
actif. Un penseur armé d’un stylo. Un penseur capable d’observer le monde et de s’observer luimême.

 Un penseur ayant le courage d’opposer aux consensus du marché, de la politique, de la société et de la culture, les paradoxes
de son imagination, produit d’une confrontation des champs de la conscience et de l’inconscient.
Rares sont les artistes qui descendent aussi bas et qui montent aussi haut dans leur esprit. Rares
sont ceux qui parviennent à transcrire ce qu’ils ont vu de tous les hommes, le bon et le mauvais,
dans leur propre tête. Ce don de double-vue, dont pourrait disposer chacun mais auquel la
plupart renonce, n’a été qu’un jeu pour Topor. « Je joue avec les images, les concepts et les
genres », dit-il. Comme Evguénie Sokolov, le héros du conte de Serge Gainsbourg, Topor a su
mettre au point le sismographe de ses tempêtes psychiques plutôt que de mourir étouffé sous
l’encombrement, ou de refouler aux frontières toutes entités jugées honteuses par un sur-moi
despotique. Pour devenir le maître d’un tel jeu, il faut déjà savoir que « jouer est une manière de
rendre les choses moins graves, tout en leur donnant une autre gravité. » Le génie est là.
Pour éviter les pièges du conformisme et prendre la facilité de vitesse, Topor a mis au point des
règles de création. Le dessin est une écriture rapide. La plus rapide peut-être. Mais il faut se
méfier des labeurs de la réflexion pour que l’imagination puisse éclore et accéder au merveilleux,
ou au fascinant :
« La pure imagination n’existe pas. Si je devais définir l’imagination, je dirais qu’il s’agit plutôt de
souvenirs mélangés. C’est une faculté qui, comme le rêve, permet de déplacer cette hiérarchie des
valeurs qui dominent la vie courante. Tout n’est pas inventé dans ce que je dessine. Il y a même
certains éléments (une pose, un regard, un pli de vêtement) que je vais chercher dans les photos
de magazine car j’aime qu’un même dessin soit fondé sur une certaine diversité d’intentions et de
factures : un détail exactement observé renforcera l’étrangeté d’une situation ; telle partie du
dessin demandera une exécution lente, une autre sera rapidement couverte, rendu réaliste et
stylisation, à-plat et volume pourront coexister. Ma méthode ? Chercher d’abord un prétexte pour
dessiner, une idée, que je trouve souvent en lisant ou en regardant des livres. Trouver cette raison
pour me mettre au travail, c’est le plus difficile. Après il se produit un entraînement d’un dessin à
l’autre. L’unité de cette série de dessins ne résidera pas dans un thème mais dans le laps de temps
relativement court durant lequel je les aurai réalisés dans un état assez obsessionnel, si bien que
dans ces périodes il m’arrive de rêver de dessins tout faits. Ma démarche est pour une grande part
systématique. Par exemple, je peux partir de l’idée d’un personnage qui se tiendrait sur un doigt.
Je multiplie alors les combinaisons, je cherche les analogies, les contraires. C’est comme un jeu. Je
joue la partie du doigt : est-ce que ce personnage va se tenir en équilibre sur un autre doigt ? Ce
doigt appartiendra-t-il à une main ? Etc. »
Une exposition de dessins de Gébé fera suite à celle de Topor tout en lui étant enchevêtrée. Un
lien très fort existe entre ces deux artistes géniaux.
Au début de sa carrière Topor a dessiné dans la revue Bizarre, Gébé aussi.
Topor a été révélé au grand public par Jacques Sternberg dans le journal Arts, Gébé aussi.
Eric Losfeld et Jean-Jacques Pauvert ont été les premiers éditeurs de livres de dessins de Topor,
et de Gébé aussi.
Topor a vraiment démarré dans la vie professionnelle en collaborant au journal Hara-Kiri, Gébé
aussi.
Topor a été l'un des champions du renouvellement de l'humour graphique en France en 1958,
Gébé aussi.
L'humour d'Hara-Kiri dans ses grandes heures a en grande partie été le fruit des collaborations de
Topor, et de Gébé aussi.
En mai 68 Topor a participé à L'Enragé, Gébé aussi.
Topor était un dessinateur qui savait aussi écrire, Gébé aussi.
Topor a écrit des nouvelles, des romans, des pièces de théâtre, des films, des sketchs pour la télé
et pour la radio, Gébé aussi.
Topor a participé à l'émission de télévision créée par Jean Frappat Tac au tac où des dessinateurs
rivalisaient d'invention dans des jeux graphiques hérités de ceux, littéraires, des surréalistes ou du
Grand jeu, Gébé aussi.
Topor lisait beaucoup, Gébé aussi.
Topor dessinait beaucoup, Gébé aussi.
Topor aimait les polars et le cinéma, Gébé aussi.
Topor était plutôt petit, Gébé aussi.
Topor est un grand dessinateur parce qu’il est un grand penseur, Gébé aussi.
Topor aimait les boissons alcoolisées, Gébé aussi.
Topor aimait fumer, Gébé aussi.
Topor a écrit de nombreux sketchs pour les émissions Merci Bernard et Palace, Gébé aussi.
Topor est une source d'inspiration énorme pour de nombreux dessinateurs, Gébé aussi.
Topor est né en 1938, Gébé aussi, mais neuf ans plus tôt.
Topor est mort en avril 1997, Gébé aussi mais sept ans plus tard.
Le duo Topor/Gébé est pour moi l'un des plus féconds au monde. Ce sont deux immenses
puissances conceptuelles, graphiques, intellectuelles. Gébé joue avec les éléments conscients de la
réalité. Il joue dans la lumière de la conscience en tournant le ressort de la logique jusqu'à ce que
l'esprit lâche, jusqu'à l'absurde. Topor fait un peu la même chose dans l'ombre des eaux
inconscientes ou subconscientes et souvent sans passer par la narration. Topor ne tourne pas le
ressort, il fait directement le constat d'une situation où les ressorts ont tous lâché. Je me
représente Gébé comme une « masse » blanche et Topor comme une « masse » noire. Chacun
pourtant, et chacune de leur oeuvre, porte en elle son principe contradicteur. L’exposition de
dessins de Gébé sera posée en germe au moment de celle de Topor, pour éclore au mois de
décembre, à la galerie Anne Barrault.
Texte et proposition d’Alexandre Devaux, historien d’art.
L’exposition présentée à la galerie Anne Barrault débute au moment de la sortie des livres Topor,
dessinateur de presse, publié par Les Cahiers Dessinés, Topor Strips, publié par les Nouvelles
éditions Wombat, J’ai vu passer le bobsleigh de nuit de Gébé, publié par Les Cahiers dessinés.
 

 

Roland Topor
a famous and unrecognized genius
An exhibition of some of Roland Topor’s works (with a nod to Gébé, the illustrator) in
Gallery Anne Barrault, from October 18h to November 29th,, 2014
“Topor is probably the greatest graphic mind of the twentieth century.”
Seymour Chwast, the co-founder of Push Pin Studios.
The exhibition curated by Alexandre Devaux at Anne Barrault Gallery presents a set of works by
Roland Topor done at different periods and with several techniques. Ink drawings, crayon ones,
linographs, lithographs, drawings painted with a spray or a brush, photographs called
“photomorphoses” will enable the visitors to grasp the range of this artist’s graphic and
polytechnic genius, who was an avant-garde all by himself.
Roland Topor was born in 1938 and died in1997, in Paris tenth district. His work is rich and
diverse and protean. An illustrator, a writer, a multitalented artist, he was published in French and
foreign papers : Bizarre, Hara-Kiri, Elle, The New York Times, Le Canard enchaîné, Libération, Le
Monde, Frankfurter Allgemeine Zeitung, and so on. He wrote books, he illustrated the works of more
than a hundred writers, among them Boris Vian, Marcel Aymé, Félix Fénéon, Tolstoï, Georges
Sand, Pierre Benoît… He conceived the scenery and dresses of several plays and operas for Liget,
Penderecki, Savary, and others. He wrote film scenarios, plays, songs, tales, novels, and short
stories. He acted in William Klein’s, Raoul Ruiz’s, Volker Schlöndorff’s films. He made animated
cartoon films such as Fantastic Planet. He took part in many radio and television creations. Among
others, he is the author of the programme for children Téléchat, and the co-author of Merci Bernard
and Palace. The creator of Panic Movement with Fernando Arrabal, Jacques Sternberg and
Alejandro Jodorowsky, Topor had links with several movements and “artist families”, such as
Cobra, the Situationist International and Flexus. His drawings and paintings have been shown
many times and are owned by several private and institutional collections, among them:
Pompidou Centre, Strasbourg museums, the Stedelijk Museum, Warsaw Fine Arts museum,
Munich Stadtmuseum, and others in Italy, Switzerland, Belgium, Sweden, the United States…
Roland Topor started to be known as a press illustrator, the way, for him, of “rubbing
shoulders” with life and distancing himself from the accursed artist he could have been if he had
remained the painter everyone wished to be. Thanks mainly to drawing, and writing, Topor has
been able to create the vocabulary of his thoughts. Topor was a thinker, but an active thinker. He
was a thinker whose weapon was a pen; a thinker able to examine the world and to examine
himself; a thinker who dared oppose the paradoxes of his imagination, the product of the clash
between his awareness and his unconscious, against the consensus of the market, politics, society
and culture. Few are the artists who can rise and go down inside their minds. Few are those who
manage to translate what they have seen in man, the good and the bad points, inside their own
heads.
 
A double-sighted gift which each of us could have, but which we give up, was but child’s play for
him. “I exploit images, concepts and genres”, he says. Like Evguénie Sokolov , the hero in Serge
Gainsbourg’s tale, Topor was able to adjust the seismograph of his psychic tempests rather than
suffocate to death with congestion, or repress any shameful entity according to a despotic
superego. To become the master of such a game, you must be aware beforehand, that “to play is
a way of making things less serious, while giving them another kind of gravity.” You have to be a
genius.
In order to avoid the traps of conformity and overcome the easy way out, Topor has adjusted his
rules of creation. Drawing is quick writing, maybe the quickest. But you must not trust the toil of
the mind, so that imagination can bloom and give birth to wonderful or fascinating things:
“Pure imagination does not exist. If I were to define imagination, I would say it is rather a
mixture of memories. It is the power, which, like in a dream, allows one to displace the hierarchy
of the values, which dominate everyday life. What I draw is not completely invented. There are
even some elements (an attitude, a gaze, the fold of a dress) that I pick up from magazine
photographs, because I like the same drawing to be based on various intentions and techniques: a
detail, precisely observed, will reinforce the strangeness of a situation; one part of the drawing
can demand to be done slowly, another will be done swiftly, realistic rendering and stylization,
flat wash and volume can coexist. My method? I look for a pretext to draw, an idea, which I
often find through reading or looking at books. The most difficult is to find a reason to set to
work. Afterwards, the impetus makes me do drawings the one after the other. The cohesion of
this series of drawings will not lie in a theme, but in the period of time, quite short, when I did
them, in a rather obsessional state, so that , in these moments, I happen to dream of ready-made
drawings. My approach is mostly systematic. For example, I can begin with the idea of someone
standing on one finger. I then multiply the possibilities; I look for analogies, contraries. It is like a
game. I play the game with the finger: will the figure balance on a different finger? Will this finger
belong to one hand? Etc.”
An exhibition of Gébé’s drawings will follow Topor’s, though entangled with it. There is a very
strong link between these two brilliant artists
At the beginning of his career, Topor made illustrations for Bizarre magazine, so did Gébé.
Topor was introduced to the public by Jacques Sternberg through the weekly arts, so was Gébé.
Eric Losfeld and Jean-Jacques Pauvert were the fist to publish Topor’s illustrated books, as well
as Gébé’s.
Topor did really start off well in professional life when he contributed to Hara-Kiri, so did Gébé.
Topor was one of the best in the renewal of graphic humour in France, in 1958, so was Gébé.
Hara-Kiri humour, at the height of its success, was mainly due to Topor’s contributions, as well as
Gébé’s.
In May 1968, Topor joined L’Enragé, so did Gébé.
Topor was an illustrator who could also write, so was Gébé.
Topor wrote shorts stories, novels, plays, films, sketches for the TV and the radio, so did Gébé.
Topor took part in Tac au tac, Jean Frappat’ s television programme, in which artists vied with one
another in inventiveness in graphic games picked up from the surrealists’ or Grand jeu’s literary
ones, so did Gébé.
Topor read a lot, so did Gébé.
Topor drew a lot, so did Gébé.
Topor loved detective novels and the cinema, so did Gébé.
Topor was rather short, so was Gébé.
Topor is a great artist, because he is a great thinker, so is Gébé.
Topor liked hard drinks, so did Gébé.
Topor enjoyed smoking, so did Gébé.
Topor wrote many sketches for Merci Bernard and Palace programmes, so did Gébé.
Topor is a huge inspiration for many artists, so is Gébé.
Topor was born in 1938 , so was Gébé, but nine years earlier.
Topor died in April 1977, so did Gébé, but seven years later.
The pair Topor/Gébé is for me the most creative one in the world. They are two great
conceptual, graphic, intellectual figures. Gébé plays with the conscious elements of reality. He
plays, in the light of conscience, twisting the logic spring until your mind gives up, until absurdity.
It is a little the same thing with Topor, in the darkness of unconscious or subconscious waters,
and often without any word. Topor does not twist the spring; he states a fact right away when all
the springs have given way. I imagine Gébé as a white “mass”, and Topor as a black “mass”.
However, each of them, and each of their works is pregnant with its contradictory principle. The
exhibition of Gébé’s drawings will appear in embryo at the time as that of Topor’s, to open in
December at Anne Barrault gallery.
The text and proposition by Alexandre Devaux, an art historian.
The exhibition at Anne Barrault gallery starts when the books Topor, dessinateur de presse,
published by Les Cahiers Dessinés, Topor Strips, published by Nouvelles editions Wombat,
Gébé’s J’ai vu passer le bobsleigh de nuit, published by Les Cahiers dessinés, come out.
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