Humoresques

Les Shadoks

images/Shadoks_234_300.jpgLes Shadoks  ont 50 ans

UNE RÉVOLUTION ANIMÉE
16 mars – 8 juillet 2018
Musée Tomi Ungerer
Centre international de l’Illustration

 

Catalogue :

 

Les Shadoks. Une odyssée en couleur
120 pages, 29 euros
120 illustrations
ISBN : 9782351251584
Extrait
Les Shadoks, un creuset d’inspirations
Thérèse Willer
Les Shadoks, ces drôles de bestioles, sont en quelque sorte une espèce inconnue d’échassiers.
Ils se caractérisent par un corps sphérique, de longues pattes réduites à des lignes, un oeil rond
avec un point, un bec triangulaire, des dents acérées, trois poils sur la tête et des ailes rognées.
Ces formes synthétiques et géométriques, dont les enfants usent volontiers pour dessiner les
oiseaux, ont été choisies par leur auteur Jacques Rouxel dans l’objectif, entre autres, de créer
des images percutantes. 
images/Shadoks_301_300.jpg Mais au-delà de leur apparente simplicité, les Shadoks sont l’aboutissement de recherches
graphiques et littéraires, le résultat d’inspirations croisées.
Pour répondre aux besoins de l’animographe, un prototype de machine à dessins animés,
Rouxel développe un graphisme minimaliste. Tous les personnages et les décors sont conçus à
partir de formes simples. Cette contrainte ne fait cependant pas obstacle à l’expressivité des
figures. Bien au contraire, elles s’animent dès leur apparition sur la feuille de papier, alors
même qu’elles ne sont encore que des images fixes. L’idée d’un feuilleton se concrétise vite : le
premier épisode est lancé sur la première chaîne télévisée française le 29 avril 1968. D’une
durée très courte (entre deux et trois minutes) et diffusés immédiatement après le Journal
télévisé chaque soir, les Shadoks et leurs ennemis, les Gibis, vont perdurer sur le petit écran
jusqu’en 2000, avec quelques pauses toutefois. Les premiers épisodes divisent les
téléspectateurs. Certains d’entre eux sont choqués par la nouveauté de ce dessin animé
résolument anticonventionnel et nonsense.
Le ton novateur des Shadoks est insufflé en premier lieu par le contexte du dessin animé
américain contemporain. Rouxel se situe dans la lignée du style graphique du studio américain
UPA (United Production of America) créé par le scénariste et producteur Stephen Bosustow. Le
« I-Style », nommé ainsi du fait de ses formes anguleuses, puisait indifféremment ses sources
dans l’art contemporain, le dessin de Saul Steinberg et de Ben Shahn, ou encore le mouvement
du Bauhaus.
De la même façon, le créateur des Shadoks s’inspire de l’univers de l’illustration. Les noms
d’André François, de Tomi Ungerer, de Saul Steinberg figurent parmi ces influences. Saul
Steinberg, dessinateur américain d’origine roumaine, était devenu le maître incontesté
du cartoon en inventant le oneline drawing, le dessin au contour tracé d’un jet : il réduisait le
trait au maximum pour exprimer une idée. Rouxel a pu découvrir ses cartoons parus dans The
New Yorker soit pendant les quatre années de sa jeunesse passées à New York, soit en 1950, à
son retour en France où Steinberg était devenu une référence dans le monde de l’illustration.
La réussite des Shadoks relève d’une alchimie parfaite entre le dessin et le texte. Amateur de
culture anglaise, Jacques Rouxel apprécie tout particulièrement l’humour britannique dont l’une
des composantes essentielles est le nonsense. À ce propos, il cite Edward Lear mais se réfère
également à Lewis Caroll, Jonathan Swift et à l’Américain James Thurber. Il est généralement
admis que l’auteur des Shadoks et de leurs ennemis les Gibis use d’un humour plus anglo-saxon
que « gaulois ». Certains auteurs français ont cependant inspiré Rouxel : Alphonse Allais et Alfred
Jarry, dont le goût pour l’absurde l’attire, Raymond Queneau, Boris Vian et Eugène Ionesco.
L’auteur des Shadoks ne s’est pas privé de puiser son inspiration dans deux cultures, l’une
américaine et l’autre française, et de les associer pour en tirer une formule très originale, qui
n’appartient qu’à lui.